TEXTE DE LA DICTEE...
"Pendant quatre jours, nous avons remonté la rivière ; les rapides étaient si nombreux qu’il fallut décharger, porter et recharger jusqu’à cinq fois dans la même journée. L’eau coulait entre des formations rocheuses qui la divisaient en plusieurs bras ; au milieu, les récifs avaient retenu des arbres à la dérive avec toutes leurs branches, de la terre et des paquets de végétation. Sur ces îlots improvisés, cette végétation retrouvait si rapidement la vie qu’elle n’était même pas affectée par l’état chaotique où la dernière crue l’avait laissée. Les arbres poussaient dans tous les sens, les fleurs s’épanouissaient en travers des cascades ; on ne savait plus si la rivière servait à irriguer ce prodigieux jardin ou si elle allait être comblée par la multiplication des plantes et des lianes auxquelles toutes les dimensions de l’espace, et non plus seulement la verticale, semblaient être rendues accessibles par l’abolition des distinctions habituelles entre la terre et l’eau.
Claude Lévi-Strauss, Tristes tropiques,1955